Politique nocturne : ou comment faire de la politique sans en avoir l’air

Difficile de parler des Nocturnes sans aborder leur position politique ; puisque, à l’origine, la raison d’être du Mounoc est essentiellement écologique et politique.

 

Politique et apolitisme

Les Noc’ ne croient pas en la politique traditionnelle. Un chef d’État confortablement installé dans le palais de l’Élysée à Paris, s’appuyant sur des ministres rappelant des courtisans, une Assemblée nationale pas toujours sérieuse, un Sénat, un Conseil des Sages, et puis les collectivités territoriales… Le tout forme un ensemble complexe, bureaucratique, favorisant la corruption, les intrigues, le réseautage, la démagogie… et la paranoïa.

D’ailleurs, à peu près tout ce que le peuple sait des “politiques d’en haut”, à part des lois détestées (dont le “carnet civique à points”), c’est l’aperçu qu’en donnent les médias. Dès qu’un politicien sort une blague de trop, dès qu’on le soupçonne de tromper sa femme ou qu’il fait le difficile au restaurant de l’Élysée, les journalistes ne le ratent pas. Si, au contraire, sa femme s’avère plus âgée que lui, ou qu’il avoue pratiquer un sport populaire, il est encensé.

La vérité est que la politique à la française, c’est un peu de la presse people.

En théorie, tout le monde sait qu’il ne faut pas trop donner de crédit aux médias. En pratique, on suit les actualités avec une passion un peu excessive. “Il faut savoir ce qui se passe dans le monde, quand même.” Les néo-panthéistes ont une réplique toute prête, mais cela on en a déjà parlé.

Bref, les Nocturnes savent qu’on ne peut pas compter sur les politiciens pour sauver le monde. Ce qui ne laisse qu’une seule alternative : nous autres.

 

L’union fait la force

C’est l’un des constats à l’origine du mouvement nocturne, et plus particulièrement des noctécolos qui en représentent la majorité : un individu lambda n’est rien, mais des millions de personnes constituent une force irrésistible.

Les Nocturnes refont la politique par ses fondations. Ils savent que sans nous, les puissants ne sont rien. En clair, sans consommateurs, les multinationales comme McDonalds, Google, Amazon ne sont rien ; sans électeurs et sans les partisans des partis politiques traditionnels, les politiciens ne sont rien ; sans touristes, l’industrie touristique n’est rien ; et, sans croyants, les chefs religieux ne sont rien.

Dans leur essence, on peut rapprocher les Nocturnes des Gilets jaunes. Avec quelques différences, cependant. Les Nocturnes sont infiniment plus organisés. Ils manifestent peu, préférant construire une culture modèle en parallèle à la culture solaire :

  • ils consomment responsable : ils boycottent les grandes marques, préfèrent le local, les marchés et les petits commerces, pratiquent l’économie collaborative, favorisent les produits de seconde main, réparent plutôt qu’ils n’achètent ;

  • la liberté de penser est l’une de leurs revendications. À l’exception des Shadonistes et des néo-panthéistes, les Nocturnes se détachent des religions dans leur grande majorité. Encore que les néo-panthéistes sont certes bizarres, ils n’en restent pas moins le fer-de-lance des sociétés utopiques expérimentales. Les Noc’ soutiennent ainsi largement l’art et tout particulièrement la littérature, les débats, les médias alternatifs, l’interaction sociale ;

  • la politique centralisée à Paris les intéresse peu (particulièrement dans le cas des néo-pan’). Ils accordent beaucoup plus de crédit aux pouvoirs locaux, par ex. les communes ;

  • les Nocturnes connaissent un fort engagement associatif. Ils s’impliquent particulièrement dans les associations écologistes, humanitaires et sociales, ou dans des initiatives locales telles des opérations de nettoyage des espaces naturels. Ils croient que les assos peuvent faire ce que le régime Letigre ne fait pas : changer le monde, en mieux ;

  • comme toute communauté qui se respecte, les Nocturnes sont très soudés dans leur ensemble.

Alors, bien sûr, on peut nuancer ce constat. Les Shadonistes sont souvent méprisés par les autres Nocturnes pour leur religion irrationnelle et laissant peu de place à l’évolution intellectuelle de l’individu. En outre, l’explosion du mouvement nocturne a favorisé le développement de produits pro-nocturnes, souvent initié par les grandes marques que les Nocturnes boycottaient à l’origine. Des individus ont rejoint le Mounoc par effet de mode, sans en comprendre réellement les enjeux. Néanmoins, un “vrai” Noc’ est impliqué politiquement à sa façon.

 

De l’apolitisme à la politique ?

Bien sûr, des partis politiques ont tenté d’attirer cet électorat massif.

Ceci montre combien la population nocturne est devenue une force sur laquelle il fallait compter. On estime leur proportion entre 7 et 8% de la population française totale. Les noctécolos, qui représentant un bon tiers des Nocturnes, sont les plus actifs politiquement.

À noter, si plusieurs Noc’ sont parvenus à faire leur entrée à l’Assemblée nationale et qu’une vingtaine de maires se revendiquent du Mounoc en 2059, aucun parti officiellement nocturne n’est reconnu. L’Église de l’Obscurité tente de faire bouger les choses, mais étant donné la méfiance que lui réservent la majorité des Nocturnes, elle a échoué jusqu’ici.

Pour l’instant, les Nocturnes ont su conserver leur indépendance, et même leur probité pourrait-on dire. Beaucoup de Mi-Noc’ ont certes reporté le système économique solaire sur le Mounoc, mais les autres, les “vrais”, ne flanchent pas.

Soit 4% des Français qui campent sur leurs positions année après année, résistant aux pressions du régime Letigre, aux tentations du capitalisme et aux manœuvres de séductions des partis politiques.

Il faudra bien qu’on les écoute.


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