Noël & Santa Claus : des origines aux dérives

Noël, tout le monde connaît.

Pourtant, tellement de choses débiles se disent et se font pour l’occasion qu’il m’a paru nécessaire de faire le point. D’où viennent cette fête commerciale/traditionnelle et le vieux barbu habillé de rouge qui lui est associé ? Pourquoi remettre en question le vieux barbu en question ? Comment ça se passera à l’avenir ?

 

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[one_half_last][box]D’où vient le mot “Noël”, au fait ?

Les uns penchent pour le latin “natalis dies” (jour de naissance), qui s’appliquait aussi bien au Soleil qu’à l’ami Jésus. Les autres préfèrent une étymologie gauloise : “noio hel” (nouveau soleil).[/box][/one_half_last]

 

Noël, des origines païennes au recyclage chrétien

Ce serait dommage de parler de Noël sans évoquer ses origines, alors je vous fais un petit topo rapide (pour plus de détails, consultez la bibliographie tout à la fin).

Paganisme(s)

À l’origine, les Romains (et pas qu’eux d’ailleurs) fêtaient le solstice d’hiver et même ce qu’ils appelaient les Saturnales. C’était un véritable carnaval, où les esclaves faisaient la loi pendant plusieurs semaines. L’un d’eux était élu “Roi des Saturnales” et commandait les maîtres (seul hic, il était exécuté à la fin des festivités)*.

Puis, en 272, après une victoire militaire qu’il attribue au Soleil, l’empereur Aurélien décide d’instaurer une fête en hommage à celui-ci : il appelle ça Sol Invictus (“le Soleil invaincu”). Et devinez quoi ? Il cale ça le 25 décembre.

  * Pour les fans du Bossu de Notre-Dame, la Fête des Fous vient de là.

Récupération par le christianisme

Au milieu du IVe siècle, on constate qu’il n’existe pas de jour établi pour fêter la naissance de Jésus. Du coup, l’empereur Constantin (qui se trouve être chrétien) décide de changer ça : ce sera le 25 décembre. Tiens, comme par hasard, c’est à la même date que les Saturnales. Un calcul stratégique d’autant plus finement pensé qu’au début, les nouveaux convertis avaient le droit de mêler les traditions païennes et chrétiennes. Et, petit à petit, c’est le christianisme qui l’a emporté.

Que Jésus soit vraisemblablement né au printemps n’a semblé gêner personne.

Notons que les Chrétiens ne sont pas les derniers à faire de la récupération culturelle. Les nazis ont tenté le même coup, notamment en transformant l’étoile au-dessus des sapins par une croix gammée. Pas tout à fait la même ambiance. Timur Vermes aborde brièvement et avec humour ce sujet dans son roman Il est de retour.

 

Noël contemporain : money, money, money

Tout le monde sait que le 25 décembre est très largement devenu une fête commerciale. Catalogues arrivant de plus en plus tôt, budget consacré à Noël de plus en plus important… Si certains marchés de Noël tentent un retour à la tradition, d’autres reflètent le culte de l’argent, tel celui de la Plaza Mayor de Madrid. Mais comment en est-on arrivés là ?

Saint Nicolas et le Krampus
Saint Nicolas pose avec son pote le Krampus. Guère ressemblants, pas vrai ? Et pourtant, tous deux sont des icônes de Noël… (source : Wikimedia.)

Tout a commencé en Angleterre, au XIXe siècle. Autrement dit, pendant l’ère industrielle et l’essor de la bourgeoisie. Peu à peu, la célébration collective s’est restreinte au clan familial, les bourgeois commençant à se réunir en petits comités, s’offrant des cadeaux les uns aux autres. Les enfants étaient particulièrement valorisés pour l’occasion.

Et puis Santa Claus est arrivé. Au début, c’était Saint Nicolas. Sur les origines de ce dernier et le prétendu miracle où il fait un puzzle à partir de trois gosses découpés par un boucher, lisez La Petite Histoire de Noël par Diane Béduchaud. Saint Nicolas est exporté au USA, devenant Santa Claus, et le méchant boucher cannibale a donné le Père Fouettard, une version édulcorée du Krampus venu d’Europe centrale.

Santa Claus est si populaire aux États-Unis qu’il devient une icône de publicité… notamment chez Coca Cola (qui a certes joué son rôle dans la popularité du Père Noël, mais n’a ni inventé le personnage, ni imaginé sa couleur rouge). Après la seconde Guerre mondiale, Santa Claus s’exporte dans le monde entier, remplaçant peu à peu les personnages traditionnels locaux : Old Father Christmas, Père Janvier, Tante Airie, Christkindel…

Et la fête a commencé à devenir ce qu’on connaît aujourd’hui.

 

Pour ou contre le Père Noël ?

La fête du capitalisme

À une époque, je demandais souvent à mon entourage s’ils étaient pour ou contre le Père Noël, et leurs raisons. J’étais surpris et un peu choqué du nombre de personnes qui le défendaient, d’autant que les arguments étaient généralement plus que faiblards. On peut les résumer à celui-ci : “les enfants ont besoin de magie”. J’y reviendrai.

Une seule personne m’a donné des arguments intéressants : selon elle, la liste du Père Noël était un bon prétexte pour demander à ses enfants ce qu’ils voulaient ; à savoir, pas seulement des cadeaux, mais aussi des souhaits dans la vie en général (que ses parents cessent de se disputer, trouver de nouveaux amis, etc.). Ce qui permet de mieux connaître son enfant et comprendre ce dont il a réellement besoin… Intéressant.

Parce que pour ce qui est de la “magie de Noël”, autant dire que le vieux Santa Claus est à la masse.

Lynchons le Père Noël

Le Père Noël est à Noël ce qu’un costume de Superman est à Halloween : il n’a pas sa place.

Attention, ce n’est pas une question d’authenticité : car cette fête ayant été païenne, chrétienne et capitaliste, l’idée d’un Noël authentique n’a pas de sens. Le problème est que le barbu vêtu de rouge est un danger public.

Le capitalisme, en bon roi Midas, cherche à rentabiliser tout ce qu’il touche, et le 25 décembre n’a pas échappé à la règle. Et le Père Noël a sa part de responsabilité là-dedans. Ce personnage incontournable dans les fêtes de fin d’année occidentales est associé aux cadeaux – chers, et nombreux de préférence.

À sa façon, il n’est pas moins flippant que le Krampus ou la Mari Lwyd : n’oublions pas que ce vieux monsieur mystérieux s’introduit subrepticement dans les maisons pour offrir des cadeaux aux petits enfants… et tout le monde semble trouver ça normal.

Personnellement, je me méfie des vieux barbus qui entrent chez moi par la cheminée, même porteurs de présents.

Donc, dès leur plus jeune âge, on habitue les gosses aux cadeaux et aux vieux barbus chelous. Autrement dit, on les accoutume à la joie du matérialisme. Tous les moyens sont bons : films d’animation, les “faux” Pères Noël dans les centres commerciaux… Mais le pire, c’est qu’on trouve ça mignon et indissociable de la magie de Noël.

Sauf qu’un jour, les mômes s’aperçoivent qu’on leur a menti délibérément. Que leur enfance a été bercée de bobards. Entre le Père Noël et les dessins animés édulcorés, qu’on ne s’étonne pas que le passage à l’âge adulte soit quelque peu brutal et que les gens aient perdu leurs illusions.

En revanche, en grandissant, ils aiment toujours les cadeaux. La stratégie n’est pas si différente de celle incitant les mômes à fêter leurs annivs au McDo : on cherche à ancrer les bonnes sales habitudes dès qu’ils sont hauts comme trois pommes.

La magie, oui, mais sans le vieux barbu

Reconnaissons, vendre du rêve aux enfants n’est pas complètement idiot. On a tous besoin de magie, même les adultes ; quelque chose qui rende notre vie acceptable, qui lui donne de la beauté. Pourquoi ne pas leur expliquer que la magie est ailleurs ? Les néo-panthéistes et les noctécolos enseignent ainsi à leur progéniture que la nature est belle, voire sacrée. Une magie qui échappe à notre compréhension, et dont on continuera à profiter même en grandissant, car on ne s’en lasse pas. En plus, d’un point de vue pragmatique, ça nous poussera à respecter davantage notre environnement. Tout bénéf’.

Et puis, ce serait bien si on cessait de mentir sciemment à ses enfants. On croit qu’on les épargne, quand on ne fait que reculer le moment fatidique. Adoucir la réalité, d’accord ; inventer des mythes absurdes consolidant une société décadente, ça ne va plus du tout.

Telle est la position nocturne.

 

Noël en 2060

Noël solaire

Chez les Solaires, Noël ressemble de plus en plus à une fête foraine. On ne compte plus les “chalets” installés dans des préfabriqués, les grandes marques qui se sont fait une place et les sponsorings. Les faux Pères Noël se baladent en escouades, les particuliers reçoivent les catalogues de jouets dès le mois de septembre, et les illuminations sont déjà prêtes aux premiers jours d’octobre.

Les crèches traditionnelles sont rares : désormais, des petits robots animés – et chers – ont pris la place des santons en argile.

Autant dire que Noël a perdu de sa magie.

Le 25 décembre nocturne

Un point commun chez les Nocturnes – ainsi que chez une minorité de Solaires : Noël est avant tout une fête conviviale où ce qui compte, c’est l’humain. D’ailleurs, afin de bien marquer la différence, beaucoup ne parlent plus de “Noël” mais bel et bien de “solstice d’hiver”. Toutefois, contrairement aux Romains, ce n’est pas la “naissance du Soleil” qui est célébrée, mais bien la victoire de la Nuit.

Il existe toutefois des micro-marchés de Noël dans les quartiers nocturnes de certaines grandes villes ; à savoir quelques chalets proposant des produits artisanaux pour un coût très raisonnable. Et ce, depuis le coucher du soleil jusqu’au lever du jour.

Les Nocturnes ont même renouvelé la playlist des fameux chants de Noël, troquant les sempiternels “Petit Papa Noël”, “Douce Nuit”, etc. contre du folk metal, du rock post-contemporain ou de la musique instrumentale.

Cependant, chaque courant nocturne connaît ses propres particularités :

  • les Shadonistes organisent des crépuscultes (messes noires, au sens shado du terme) : des “messes de minuit” qui contrairement à l’usage catholique, se tiennent réellement à minuit ;

  • les Témoins de Gaïa renouent avec les origines païennes de Noël. Ils organisent aux aussi des cérémonies, tout en refusant le terme de “messe” puisqu’ils ne se voient pas comme une religion. Les coutumes varient selon la communauté. Globalement, ils dansent autour d’un grand feu pendant un bon quart d’heure, et ça va parfois jusqu’à l’orgie ;

  • les ombrilistes passent généralement leur Noël tout seuls ou presque : ils sont tellement insupportables que personne ne les aime. Peut-être est-ce pour cette raison qu’ils disent refuser de fêter Noël. Il n’empêche, le taux de suicide chez eux est particulièrement élevé le soir du 24 décembre ;

  • quant aux Noctécolos, ils prisent la simplicité. Un repas copieux en toute intimité suivi d’un après-minuit en famille, autour d’un feu de cheminée, jeux de société ou une balade sous la neige… Et, occasionnellement, ils invitent même des cousins solaires.

 

Et vous, comment organiseriez-vous votre Noël idéal ?

 

Pour résumer

  • La fête de Noël actuelle est héritée d’une tradition très ancienne, remontant aux solstices d’hiver païens. Puis il y a eu les Saturnales, Sol Invictus… et enfin Noël.
  • Les Chrétiens ont décidé de placer leur fête de Noël le 25 décembre pour attirer du monde. Y’a pas à dire, ils étaient sacrément bons en com’.
  • Le Noël capitaliste tel que nous le connaissons nous vient de la bourgeoisie du XIXe siècle, et le Père Noël est une déformation de Saint-Nicolas (Santa Claus). Les cadeaux se sont multipliés à cette époque.
  • Le Père Noël était rouge avant Coca-Cola, qui n’a décidément aucun mérite.
  • L’argument de la “magie de Noël” en faveur du Père Noël est foireux, et on ferait mieux de trouver la magie ailleurs dans notre monde et d’arrêter de mentir à nos (vos) enfants.

 

Sources

  • Roger Fiammetti, Les Angoissés de Noël, Éditions J.Lyon, 2010. L’auteur n’aime vraiment pas Noël, et il fait un tableau noir foncé de notre fête préférée.

  • Diane Béduchaud, La Petite Histoire de Noël, éd. Librio, 2018. Assez complet sur la question historique et en prime vous aurez même droit à un tour du globe. Les Japonais qui vont au KFC pour l’occasion, les Catalans et le Cagatio, les Vénézuéliens qui kidnappent des icônes religieuses (oui, c’est tellement cliché) et autres traditions cheloues voire flippantes, et la tradition soi-disant allemande montée de toutes pièces par les industriels américains.

  • Martyne Perrot, Faut-il croire au Père Noël ? éd. Le Cavalier Bleu, 2010. Qui démonte toutes les idées reçues sur Noël. Contredit sur certains points mineurs ce que dit Diane Béduchaud (cf. bouquin cité au-dessus).


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