« La mémoire est déjà elle-même un romancier. […] Elle est dynamique, se nourrit de notre imagination, de notre personnalité, de nos passions, de nos blessures. »
Roger Grenier, Le palais des livres, “Vie privée”, p. 94.
2013
Il se rappelle confusément, bien des années auparavant, une nuit de tempête à la campagne, la fureur des éléments et la rage de sa sœur. Ils s’étaient disputés quelque temps auparavant lui semble-t-il, et leurs relations s’étaient infectées pour une sombre histoire de vêtements. Soirée traumatisante entre toutes, souvenir nocturne qui hante encore ses cauchemars. Le vent hurlait avec colère, secouant littéralement la vieille demeure qui avait soudain pris vie – mais une vie douloureuse, torturée. Les gémissements des meubles, des murs branlants lui faisaient songer à un navire sur le point de sombrer. De ces heures tourmentées se détache la mémoire de cette apparition fantomatique, éphémère, se glissant dans sa chambre – le temps gela aussitôt, transformant cette seconde en un long frisson glacial que jamais il ne pourra oublier.
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2007
Il s’est souvenu de la tempête qui faisait rage cette-nuit-là, du déluge qui se déversait, du chaos qui régnait. La maison tremblait sur ses fondations à chaque bourrasque. Marine hurlait, recouvrant le vacarme de sa seule voix et martelant d’infectes grossièretés parce qu’il n’avait pas préparé le repas ; esprit frappeur qui parcourait la maison, vindicatif, invisible mais partout, le bois criait et les portes claquaient à son passage. Il n’avait pas quitté sa chambre, se croyant en sûreté, mais des taches blanches apparurent soudain dans l’obscurité froide. Le temps d’un frisson, elles avaient disparu.
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2001
Ce soir-là, les gouttes martelaient la vitre fragilisée par les bourrasques. « On va manger ! Occupe-toi de la table ! » criait Marine en cognant impatiemment à la porte – sa voix luttait pour couvrir la tempête, en sorte que lui n’entendait que des bribes de mots. Elle surgit dans sa chambre en même temps qu’un souffle glacial. Il vit les vêtements blancs flotter dans sa direction. Il eut un picotement dans le dos, avant de reconnaître sa sœur.
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1996
Dehors, la pluie battait son plein et le vent sifflait en ce soir de novembre. Marine avait frappé à la porte. « À table ! » appela-t-elle. À cause du temps, il l’entendit à peine depuis sa chambre. Elle dut insister puis, n’y tenant plus, entra. Il sursauta en avisant le T-shirt blanc de sa sœur se mouvoir dans la pénombre. Un infime courant d’air se faufila par la fenêtre mal isolée.
« Ah, c’est toi », dit-il.
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