Les personnages dans Le Trône de Fer : la recherche du Côté Gris

George R.R. Martin met en pièces les clichés de la Fantasy traditionnelle. La preuve avec des extraits d’interviews sur le thème des personnages.


 

Les prochaines publications sur George R.R. Martin compileront trois interviews que j’ai dénichées sur le web… Ou plutôt, des extraits pris dans chacune d’entre elles – qui sont souvent très longues, et passionnantes. Il a fallu faire le tri; et même après, il reste beaucoup de questions. Je vous les ferai donc manger en plusieurs fois !

Elles datent un peu, mais restent très éclairantes sur l’œuvre, les personnages, les rapports de l’auteur à la série.

  • L’une vient du site Entertainment Weekly, et a été réalisée en 2011, après la sortie de la saison 1.
  • L’autre provient d’un blogueur catalan, Adrià Guxens. Cette interview date de 2012, avant la sortie de la saison 3. Les passionnés pourront la trouver en entière, en anglais, en espagnol… et même en catalan !
  • La troisième interview a été traduite par actusf.com, d’après une interview originale de Smartertravel.com (réalisée en avril 2012 par Josh Roberts).

On salue souvent votre maîtrise de la technique du point de vue. Pouvez-vous m’en dire un peu plus sur cette méthode ?

Je suis un fervent défenseur de l’utilisation d’un point de vue limité, mais très précis, à la troisième personne pour raconter des histoires. J’ai utilisé d’autres techniques au cours de ma carrière, telles que les points de vue omniscients ou à la première personne, mais en fin de compte je déteste le point de vue omniscient. Aucun d’entre nous n’a un point de vue omniscient, nous sommes seuls dans l’univers. On entend ce que l’on entend… notre perception est très limitée. Si un avion s’écrasait derrière vous, je le verrais, mais vous non. C’est la manière dont nous percevons le monde et je veux placer mes lecteurs dans la tête de mes personnages.

Mais vous avez beaucoup de personnages…

Oui, dans le cas du Trône de Fer j’ai une histoire épique qui prend autant d’ampleur que l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Si j’écrivais sur ce sujet, quel est le point de vue que j’adopterais ? Je pourrais choisir le point de vue d’un jeune soldat américain envoyé en Allemagne, mais alors, bien sûr, je ne saurais pas ce qui se passe dans le Pacifique ou dans les hautes strates du pouvoir… Je pourrais donc choisir aussi le point de vue de Churchill mais dans ce cas je ne donnerais des informations que d’un côté, et donc je devrais aussi choisir le point de vue d’Hitler et alors je me sentirais assez bizarre.

Quand on se trouve dans la tête des personnages, on peut lire ce qu’ils pensent ; on n’a pas l’impression qu’ils sont simplement bons ou mauvais…

Non. Mes personnages ne sont pas noirs ou blancs, comme dans le cliché de la Fantasy traditionnelle. Je n’ai pas le camp blanc typique, avec les personnages très bons, et le camp des méchants, constitué d’individus laids et mauvais qui ne portent que des vêtements noirs. J’ai toujours été très impressionné par Homère et son Iliade – en particulier la scène de combat entre Achille et Hector. Qui est le héros, qui est le scélérat ? C’est le pouvoir de cette histoire et je voulais quelque chose de similaire pour mes livres. Le héros d’un camp est le scélérat de l’autre.

L’un des personnages féminins les plus développés est Catelyn Stark.

Je voulais une mère forte parmi mes personnages. Les portraits de femmes dans la Fantasy épique sont problématiques, depuis un long moment. Ces livres sont majoritairement écrits par des hommes, mais les femmes aussi les lisent – en grand, en très grand nombre. Et les femmes de la Fantasy ont tendance à être des femmes tout à fait atypiques… Elles ont tendance à être la guerrière ou la courageuse princesse qui refuse les plans que son père a pour elle, et on trouve de ces archétypes dans mes propres bouquins.

Cependant, avec Catelyn, on retrouve Aliénor d’Aquitaine : la figure de la femme qui a accepté son rôle et ses fonctions dans une société étroite d’esprit et, néanmoins, qui possède une influence, un pouvoir et une autorité considérables tout en acceptant les risques et les contraintes de cette société. Elle est aussi une mère… Contrairement à la tendance que l’on trouve beaucoup dans la Fantasy, qui est de tuer la mère ou de la faire disparaître. En général, elle est morte avant que l’histoire ne commence… Personne ne veut entendre parler de la mère du roi Arthur ni de ce qu’elle pensait ou ce qu’elle faisait – donc on la fait disparaître et c’est ce que je voulais moi aussi. Et voilà le personnage de Catelyn.

 

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